14 mars 2020 – 20 mars 2020

Comme de coutume, il reste quelques heures de bus avant la prochaine destination. C’est un vieux bus qui emmènera ma gang de touristes directement jusqu’à Chang Rai, au nord-est de la Thaïlande. Les transports semblent mieux développés que dans les derniers pays visités. La preuve, il y a peu de monde dedans et les arrêts sont fréquents.
Après une sieste nécessaire et quelques recherches pour savoir où ils passeront cette première nuit en Thaïlande, ils se rendent à la Baanbua Guesthouse.
Delphine et Julie ont dégoté cet endroit calme, avec jardin, très proche du centre ville.

Marie a des amis qui se trouvent dans les environs. Rendez-vous dans un bar à touristes pour les rencontrer. Ils voyagent à vélo depuis des mois et sont bien contents de passer du temps avec une amie d’enfance.
N’ayant presque rien mangé de la journée, c’est au Chiang Rai Night Bazaar que tout ces humains vont se restaurer.
Chacun choisi sont stand de cuisine de rue, et se retrouve autour d’une grande table afin de profiter du concert qui est donné ce soir.
Exténués, mes français vont se coucher tôt après avoir fait un court arrêt au distributeur.

Visite de temples au programme ! C’est à la gare de bus que mes maîtres et leurs amis trouvent un tuktuk pour la journée.

Le Baandam Museum est le premier stop. L’artiste Thawan Duchanee fait parler sa créativité dans ce lieu en interprétant le bouddhisme à travers différentes formes d’art. Notamment architecturale.
Il y a plusieurs bâtiments et un grand jardin très bien entretenu. Une sorte de cabane fait un peu repère de chasse. Aussi ma maîtresse doit me rassurer et me promettre que ma peau ne finira pas avec celles des félins de la jungle, où près du tabouret créé à partir d’un pied d’éléphant…

Le Temple Bleu est une construction moderne sur un ancien site. Depuis 2008, les touristes viennent admirer un superbe et imposant Bouddha blanc. Cette statue attire irrémédiablement l’œil au milieu de ce décor d’un bleu reposant.

Après le bleu suivra le blanc. Le Wat Rong Khun a été construit lui aussi sur les ruines d’un vieux temple en 1996 par l’artiste Chalermchai.

En offrant ce temple, il rendit hommage au roi Rama 9 et relançait l’activité économique de sa ville natale. La fin des travaux est prévue pour 2070.
Si les matériaux utilisés paraissent cheapouilles (placo, ciment), la couleur représente la pureté du Bouddhisme et les miroirs incrustés par endroit l’Illumination.
Un bâtiment couleur doré (cette couleur symbolise la façon dont vous les humains avez le don de vous concentrer sur des choses futiles) abrite des toilettes…
Mes maîtres m’entraînent sur le pont de la renaissance qui mène à l’Ubosot. Les centaines de mains et de crânes qui semblent remonter des enfers et vouloir nous y emmener me terrifient ! Une fois passé ce lac, je me retrouvent devant deux effrayantes statues qui représentent la mort.
Par chance elles nous laissent passer, quelques représentations de Bouddha en méditation nous accompagne jusqu’au hall d’adoration.
L’intérieur de l’Ubosot est vraiment déconcertant. Le blanc environnant laisse place aux couleurs feu que sont le rouge, jaune et orange. En blanc, le Bouddha assis semble paisiblement faire face aux représentations du mal : Terminator, Neo de Matrix, Michael Jackson… Les tours en feu du World Trade Center y sont aussi représentées au milieu des flammes ambiantes.
Il est interdit de prendre des photos de ce lieu troublant, dommage que le reste de mes camarades n’aient pas voulu payer quelques baths pour y accéder.

Les cyclo-touristes rejoindront mon groupe au marché du samedi soir. Les gens sont de plus en plus masqué dans la rue, et ce n’est pas qu’à cause de la pollution ambiante.
C’est un très grand marché, les stands s’étalent sur plusieurs centaines de mètres avec au bout une grande pelouse.
Une fois de plus, chacun choisi ce qu’il mangera et tout le monde se retrouve pour ripailler sur le vert.
S’en suivent quelques parties de billard. La tenancière laisse gagner ses clients, jusqu’au moment ou elle propose de jouer de l’argent… Ma gang sentant le coup fourré arriver, décide que c’est le bon moment pour rentrer.

C’est dimanche. Ma maîtresse profite qu’une messe soit dite en anglais pour se rendre à l’église.
Je l’y accompagne volontiers. Nous arrivons à la fin de la célébration en thaïlandais et attendons quelques minutes.
Cela suffira à Delphine pour remarquer le gel hydroalcoolique à l’entrée et le fait que tout le monde porte un masque à l’intérieur.
Pendant ce temps, Guillaume retourne à la banque où il a effectué un retrait quelques jours plus tôt. Effectivement, il a perdu la CB et espère qu’elle a été avalée par le distributeur… Je précise que la Thaïlande fait partie des rares pays où la carte sort du distributeur après les billets. Et si tu n’es pas attentif...
Il faudra stresser encore un jour, la banque étant fermée le dimanche.

Les français passeront leur après-midi au Wat Phra Kaeo, temple du XIVème abritant la célèbre réplique du bouddha d’émeraude. Cette statue découverte en 1434 est très importante pour les thaïlandais.
Mes promeneurs auront la chance d’observer une cérémonie d’introduction de nouveaux moines.

Le soir venu, après l’achat de masque et un massage des pieds pour ma maîtresse, ils auront le loisir de déguster la meilleur bière de leur voyage selon mon maître !
C’est au Diner Late qu’un passionné de bières les accueille. Il vend ses créations, même si sur l’étiquette, il est indiqué que ces boissons viennent du Vietnam.
Il explique alors aux touristes qu’il n’a pas le droit de brasser dans son pays, et donc le fait faire chez ses voisins.

Julie, Marie, Arthur et Lucie sont déjà parti pour Paï, au nord-ouest de la Thaïlande. Mes vadrouilleurs prendront le prochain bus. Guillaume retente sa chance à la banque et revient… soulagé avec la carte !
C’est avec un poids en moins que mes français prennent la route de Chiang Mai. Ils n’y resteront que le temps de chercher une correspondance pour Pai, et le temps qu’on prenne leurs coordonnées et leur température.
La route s’annonce longue pour ma maîtresse, cette portion étant réputée pour ses nombreuses épingles à cheveux et virages très serrés… Si on rajoute à cela le fait que le chauffeur se prend littéralement pour un pilote de rallye…
Son estomac ne résiste pas jusqu’au bout, malgré les massages que lui fait mon maître aidé du baume du tigre.

Nouvelle prise de température, et leurs amis les retrouvent dans la rue.
Pai semble être une ville ultra-touristique, la première qu’ils visitent dans ce pays.
Les logements sont nombreux, confortables et très abordables. Il y a énormément d'autres phalangs.
Nous sommes le 16 mars et si on écoute les conversations, pas mal de français viennent d’arriver en Asie, fuyants le confinement…
Cette irresponsabilité et cet égoïsme choquent mes maîtres et leurs amis.
Ce type de réaction présage que vous ne serez pas sortie de sitôt de cette affaire,et je m’interroge :
Comment les humains espèrent-ils régler une crise collectivement dans ce monde individualiste qu’ils s’efforcent de créer ?

D’ailleurs, ma gang est-elle en position de juger ces gens ?! Eux qui voyagent depuis des mois sur ce continent ne sont pas forcément moins "dangereux" que les nouveaux arrivants !
Le truc c’est que personne n’en sait rien… Et petit à petit une ambiance de méfiance semble s’installer.

Si mon groupe, des occidentaux donc, a fait ce bête raccourcis (blanc=>Covid=>danger)… Que doivent penser les locaux de mes voyageurs ?!

C'est donc des interrogations plein la tête que mes protégés rejoignent leurs bungalows du Pai Country Hut.

Le petit déjeuner n’est pas des plus joyeux… Je sens que chaque couple a prit sa décision mais personne n’ose trop aborder le sujet. C’est Lucie qui, emportée par l’émotion, déclare les larmes aux yeux qu’elle veut rentrer en France.

Ses compagnons acquiescent en silence, et réservent dans la foulée un vol direct Bangkok/Paris trois jours plus tard.

Marie réitère sa proposition : ses parents ont une maison inoccupée vers Toulouse, ils pourraient y rester tous les 6.
En effet, vu les circonstances, personne ne veut aller chez ses proches. Et évidement, tout le monde avait rendu son appartement au moins il y a quelques mois. Impossible de trouver un logement et les français sont déjà confinés...
La décision est prise à l’unanimité : mon groupe retourna en France et séjournera chez la grand-mère de Marie !

C’est soulagés que mes voyageurs décident malgré tout de profiter de leurs dernières heures de vadrouille.
Même si le goût du voyage laisse un peu d’amertume au fond de la gorge...

Un Buddha géant devant une vue impressionnante, des sources chaudes dans un spa vide de clients, la crevasse d’un vieux tremblement de terre, un long pont de bambou au milieu de rizières et enfin la balade au Pai Canyon afin d’admirer le coucher du soleil.
Arthur se décide au dernier moment de se faire tatoué au bambou. Ma maîtresse hésite à le suivre, mais ne se sent pas inspiré.
C'était leur dernière journée de voyage.

Le retour au pays ne sera pas reposant en toute !
Delphine redoute déjà les 4 heures de virages sinueux pour revenir à Chiang Mai. S’en suivront 16 heures de train pour rallier Bangkok. Mes maîtres imaginant un confort égale que sur les rails vietnamiens, seront surpris par la banquette en bois, le bruit de l’engin et le ventilateur qui fera office de clim.
Impossible de dormir, lire ou quoi que ce soit dans cet environnement… Où le masque est de rigueur.

Il est 6 heure du matin quand mon groupe arrive enfin à la capitale. Tout le monde a une sale tête, ce n’est pas la grande forme…
Exténués, ils se rendent à l’aéroport, mais leur avion n’est prévu que presque 12 heures plus tard. Impossible d’enregistrer si tôt leurs sacs.
Ils jetteront leur dévolu dans un hôtel des environs pour y dormir un peu et profiter d’une douche revigorante. Avant de retourner à l’aéroport pour de bon.

Une fois de plus, on vérifie leur température à l’entrée. Toute ma gang a droit à un petit autocollant vert placé sur la poitrine, sans aucune explication.
Ils supposent que cela signifie que personne n’a de fièvre… Instinctivement, chacun guette les autocollants de tous les gens qu’ils croisent. La plupart sont verts, certains sont jaunes, plus rarement oranges.
Sans connaître la signification des couleurs, les gens évitent les "oranges".

L’attente reste longue. Au tableau d’affichage beaucoup de vols sont annulés au dernier moment… Principalement ceux avec une correspondance. La tension monte, exacerbé par la fatigue et ce climat anxiogène.
C’est un réel soulagement quand leur porte d’embarquement s’affiche et que le décollage est confirmé.
Les français se félicitent d’avoir réservé un vol direct !

Ma maîtresse reste prévoyante dans cette dernière ligne droite d’attente. Elle insiste pour réserver d’avance une auto, afin de rallier Toulouse depuis Paris.
Ce sera chose faite.

Le moment de monter dans l’avion arrive enfin, c’est le retour à la civilisation ! Enfin presque...
Semblant oublier le Covid et le minimum de règles de politesse, ce sont des centaines de français qui foncent s’agglutiner pour rentrer dans l’avion le plus vite possible.
Mes amis ne savent pas s’ils doivent éclater de rire ou pleurer… Mais pas de doute, ils sont entre français !

La douzaine d’heure de vol se déroule sans encombre, entre sieste, repas et gel hydroalcoolique.

La France entière est déjà confinée quand ma gang de baroudeurs est de retour au pays.

Les agents de l’immigration n’ont absolument aucune protection contre le virus.
Pas de masque, peu voir pas de gel hydroalcoolique dans l’aéroport… Pas de test, pas de prise de température.
La seule mesure que le gouvernement a prit est de coller des affichettes rappelant de se laver les mains…

Les policiers et policières qui répondent aux questions incessantes des arrivants, n’ont pas plus de protection…
«Comment rejoindre notre lieu de confinement ?», «Notre billet d’avion nous permet-il de nous déplacer ?», «Y-a-t-il une quarantaine à respecter ?»

Une fois que mon groupe a recueilli quelques informations sur la possibilité de se déplacer, il se dirige vers les agence de location pour récupérer le char qu’ils ont loué avant d’embarquer dans l’avion.

Ma maîtresse a eu le nez fin d’insister pour réserver le véhicule !
Il n’y a pas de bus, pas de RER… Les transports ont été annulés à cause de la pandémie. Les seuls moyens de quitter Roissy sont les taxis ou un avion. Et Paris-Toulouse coûte presque le même prix que Bangkok-Paris…

Il est à peine 7 heures du matin quand les agences de location de char virent tous les gens qui n’ont pas de réservation : «Plus de voiture disponible, si vous n’avez pas réservé ne restez pas là» !

Je sens mes humains anxieux, la validation de leur réservation n’est pas encore arrivée. Delphine rafraîchit ses mails toutes les 5 minutes… Jusqu’au moment où elle reçoit le sésame !

Guillaume va récupérer les clefs de l’engin, un minivan avec 8 places. L’agent d’accueil lui propose d’emmener un couple se rendant aussi à Toulouse. Ils n’ont pas eu le réflexe de ma maîtresse et n'ont aucun moyen de rentrer chez eux…

Après une rapide consultation des autres, il est décidé d’emmener ces gens à bon port. Ma gang décide de prendre le "risque" d’être solidaire. Effectivement, il ne semble pas permis de voyager avec des étrangers ni de prendre des gens en stop…
Sans compter sur le fait qu’ils ont quitté la France moins d’une semaine auparavant, et sont donc passé par beaucoup d’aéroports internationaux (encore plus que mes maîtres).

Une dizaine d’heures de route les séparent de leur dernière destination.
Personne sur la route, il faut avouer que c’est plutôt agréable…
Il y a un contrôle de gendarme à un péage proche de Paris. Mon maître donne les billets d’avion de ses passagers en énonçant au gendarme qui est qui.
Voyant les huit personnes avec des masques en tissu colorés, le gendarme ne peut s’empêcher d’interpeller son collègue en lançant «C’est le bal masqué là dedans !»

Une fois le couple déposé chez eux, ils laissent mon groupe poursuivre sa route et les remercie chaleureusement pour le coup de main.

Un rapide passage chez les parents de Marie s’impose pour récupérer les clefs de la maison de sa grand-mère.

Elle présente ses parents avec émotion aux autres qui les remercient vivement de leur avoir offert cette chance, de se confiner entre copains.
Prévoyante, la mère de Marie leur a prévu un plein de courses !

Une petite dernière heure de route plus tard les voilà à Fleurance.

Mes ex-voyageurs ont bien conscience de la chance qu’ils ont : une maison avec jardin et une mi-mars typique du sud de la France. Il fait beau et bon. Ils pensent à leurs amis et famille coincés en appartement.

Pendant qu’ils organisent leur retour en France, il est temps pour moi de les laisser et de rendre pour de bon la plume.
Ça commence à être trop à gérer pour le castor que je suis, et j’ai l’impression que vous les humains n’êtes pas prêts de vous en sortir avec ce virus…

Je fais du reportage animalier, pas du journalisme d’investigation !

C’était le Castor du 92.
Merci de m’avoir suivi toutes ces années durant mon périple.

Bisous de Normandie

Le Castor du 92

P.S 1 : plus de photos dans l'album de la Thaïlande

P.S 2 : voici une carte de notre itinéraire et de nos bonnes adresses

Une visite écourtée (Thaïlande)

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