Le Castor a-t-il survécu à la jungle de Luang Namtha ? (Laos)

8 mars 2020 – 13 mars 2020

Les filles ont du mal à se remettre de leur soirée de la veille qu’il est déjà temps de quitter Luang Prabang.

Mes maîtres accompagnent Julie et Marie au nord du Laos.
Le trajet en van est long, le chauffeur se prend pour un pilote… Il n’en faut pas plus à Delphine pour être malade. Elle semble être la plus heureuse du groupe à enfin se poser à Luang Namtha.

Cette petite ville n’a pas l’air très touristique et c’est bon signe pour mes voyageurs ! Ils ont même du mal à trouver où se restaurer.
Il semble que beaucoup de chinois sont venus investir dans le nord du Laos. Certaines devantures de magasin et les menus sont inscrits en mandarin. Une partie du paysage de la région est victime de la culture intensive chinoise, et plus loin de la construction de barrages hydrauliques.

Mon groupe s’agrandit encore quand Arthur et Lucie viennent grossir les rangs. Ce belge et cette française ont quitter l’île de la Réunion pour découvrir l’Asie.

Après avoir fait connaissance, ils m’expliquent que ce n’est pas pour rien si les 6 humains se sont donné rendez-vous dans cette partie du Laos. Effectivement, cette région est réputée pour ses treks dans la jungle du parc national de Nam Ha.
Ils décident de partir avec un guide de chez "The Hicker", effectivement cette entreprise semble partager une partie importante du prix de la balade avec les villages reculés de la jungle. Et le vendeur a beaucoup plu aux filles !
Guillaume et Marie vont pouvoir inaugurer leur machette achetée à Luang Prabang. Puis mon groupe se couche tôt afin de prendre des forces avant de s’enfoncer au cœur de la jungle laotienne !

Le moment est enfin venu de faire la connaissance des guides. Ha et Wong assureront la lourde tâche de veiller sur la sécurité de mes humains, et surtout de ne pas m’en égarer dans cette immensité de verdure !

Le premier stop a lieu au marché local, ma gang a le temps de se balader dans cette étendue de couleurs et d’odeurs peu ou pas connues.
Il y a des fruits et des légumes qu’ils sont incapable de reconnaître, certaines étales de viandes ou de poissons inspirent confiance, d’autres vraiment moins.
Arthur regrette de ne pas trouver la machette de ses rêves.
Ha fait signe au groupe que les provisions sont faites et qu’il est temps de quitter la civilisation.

Un petit trajet en van plus tard, ma gang fait la connaissance de deux locaux venants d’un petit village voisin. Ils aideront à préparer les repas et à porter les provisions.

Il est temps de se mettre en marche, il fait très chaud et humide, et le groupe a jusqu’à 8 heures de marche en fonction du rythme…
Le début de l’aventure est plutôt facile. Mon groupe traverse plusieurs champs tantôt Ha ouvrant la marche, tantôt Marie, tantôt mon maître. Le solide Wong reste toujours derrière.
Les voyageurs admirent déjà le paysage montagneux qui les entoure, sans prendre tout à fait conscience de ce que cela implique.
Ils le comprennent en entrant dans la jungle. Il y fait évidemment plus humide et ils attaquent directement l’ascension de leur première montagne.
Ma maîtresse éprouve quelques difficultés dans certains passages abruptes. Lors d’une courte pause, Wong va tout simplement se charger du sac de Delphine, avec un grand sourire.
Au passage, il fabrique un bambou de marche à qui veut. Les européens comprennent vite que c’est le guide qui s’aura parer à n’importe quelle situation !

Quelques heures plus tard, les humains sont presque arrivés au sommet. Une rudimentaire table les attend à un endroit dégagé qui d’ordinaire offre une belle vue sur la région.
Le temps a changé et une brume s’est installée, il faudra revenir pour admirer le point de vue…
Le poisson, les succulents légumes et l’alcool de riz font vite oublier cette légère déception alors qu’il est déjà temps de remettre les sacs sur le dos.

Ha montre quelques plantes comestibles à ses touristes, et il fabrique un piège à petits mammifères.
Je m’y risque pour te montrer l’ingéniosité de la chose. Ne t’inquiètes pas pour moi, il en faut plus pour m’avoir !

C’est finalement au bout de 5 heures de crapahutages que les humains arrivent à leur premier campement.

Les abris, construits par les habitants des montagnes, sont plutôt classes !
Les laotiens ne manquent pas d’humour : ils ont fait venir (on n’ose pas imaginer comment) un WC à l’occidental, icite en plein milieu de la jungle !
Le village le plus proche étant à quelques heures de marche.

Il est grand temps de se doucher grâce au mince filet qui circule dans le court d’eau presque à sec en cette saison.
Les humains allument un feu, dînent, chantent et surtout boivent de l’alcool de riz.
Mes maîtres ont une surprise pour leurs guides (qui d’ailleurs ne partageront pas avec leurs aides) : une mignonnette de whisky américain (William en avait offert quelques unes à Guillaume à Singapour) !
Les yeux des laotiens pétillaient de bonheur. Aussi, si un jour tu vas te perdre dans la jungle, je te conseille de penser à prendre dans ton sac des petites attentions comme ça. Succès garanti !

Après une courte nuit et nos jeunes aides de camps remerciés, Ha et Wong mettent en garde le groupe : il va falloir garder un bon rythme si les humains veulent éviter de marcher trop longtemps sous un soleil de plomb !

Ni une ni deux mes humains se mettent en branle, je dois avouer qu’ils avancent d’une manière pas si pire. La pause pique-nique fait du bien. Une fois n’est pas coutume, Ha dévoile un de ses secrets en guise de dessert : les fourmis rouges !
Elles sont grosses (la longueur d’un ongle), et il prévient qu’il vaut mieux bien mâcher sinon la tête risque de se défendre une fois engloutie…
J’ai l’habitude de me nourrir de ces insectes, et je rigole bien en observant les deux-pattes gouter leur première fourmi. Je ne suis pas prêt d’oublier l’étonnement que je remarque sur leur visage quand ils découvrent ce goût citronné et légèrement acidulé.
Maintenant qu’ils connaissent le truc, ils imaginent surement pouvoir survivre ans la jungle !

Mon groupe arrive en milieu d’après-midi dans le village de Nalan Neua au bord de la rivière Namngeen. Le premier réflexe de tout le monde est de foncer se laver et se détendre dans la rivière. Marie se lance comme défi d’attraper un poisson à la main et Wong saute des arbres, plongeant entre les rochers. Ha semble mal digérer le whisky américain et ne préfère pas se mouiller. 

Après avoir déposé leurs affaires chez le chef du village, Arthur et Guillaume se partagent une bière au bord de la rivière. Le belge est le premier à entendre ce qui ressemble à des hurlements de porc.
Curieux, les deux hommes se dirigent dans la direction de la provenance de ces bruits.
Arthur avait raison, les villageois viennent d’égorger un cochon. Une grande partie des hommes du village travaillent ensemble pour saigner la bête, brûler les poils, le découper et laver les morceaux dans la rivière.
Ces animistes semblent prier à chaque fois qu’ils plongent un morceau d’animal dans l’eau.
Les filles rejoignent Arthur et Guillaume mais ne restent pas longtemps devant ce spectacle.
D’ailleurs quand je regarde de plus près, je n’aperçois qu’une seule femelle. Elle est assise et semble diriger l’opération. A côté d’elle, se trouve une casserole dans laquelle seront déposés rituellement le cœur, le foie et les poumons du cochon.
Les étrangers n’ont plus de doute quand le seul homme ne travaillant pas sur la bête, vient leur offrir un shooter d’alcool de riz : c’est le futur marié !
A la fois gêné et honoré qu’il vienne boire avec eux en premier, les deux européens observent avec amusement cet homme, qui se mariera demain et qui boit un verre avec tout ceux qui lui préparent l’animal.

La nuit est tombée quand Ha emmène mon groupe voir une représentation de danse traditionnelle.
Les filles sont plutôt jeunes et bougent avec aisance pour la grande majorité. Elles font un petit peu intervenir les spectateurs.
Delphine, Lucie et Julie sont particulièrement fascinées par les magnifiques tenues des jeunes femmes !

Impossible de quitter ce village sans une visite plus complète que la veille !
Ha est malade, pour lui la balade s’arrête là. Il boira sans doute moins d’alcool de riz pendant quelques jours.
Wong est encore plus souriant que d’habitude ! Il mène son groupe voir l’école du village, explique aux occidentaux que l’électricité vient de panneaux solaires et de barrages sur la rivière. 

En chemin les filles croisent deux danseuses de la veille. Elles improvisent ensemble un madison devant l’œil amusé d’une vieille villageoise.

Les champs et le bétail de ce village autosuffisant sont de l’autre côté d’un pont, qui n’inspire pas du tout confiance aux filles. 

Dernier stop de la visite au stand de tir improvisé : des artisans travaillent sur la fabrication de petites arbalètes, pour la pêche et la chasse de petit gibier.
Ils font tester leurs créations aux européens, qui ne se révèlent pas si pire même s’ils n’égalent pas l’habilité de Wong et des autres chasseurs.

Quatre vieilles dames en tenues traditionnelle sont dans les environs. Elles séparent la balle du grain de riz. 
Elles éclatent de rire, montrant ainsi ce qu’il leur reste de dents, quand les voyageurs les remplacent gauchement. Mes humains ne sont évidement pas capables de réaliser ces mouvements à la même vitesse ni avec la même précision, que ces vieilles villageoises.

Le remplaçant de Ha est arrivé, il est temps de se mettre en route. Ma gang comprend vite que ce remplacement ne l’arrange pas et qu’il veut vite rentrer chez lui…
Au bout de 5 heures en plein cagnard et venant de traverser une ferme de caoutchoutiers, le groupe rejoint enfin une route où vient les récupérer une voiture.

S’en est fini de la jungle !

Une fois propres, les 6 amis se rejoignent pour boire un coup. Malgré une douche chaude régénératrice, les traits sont tirés, mais pas que de fatigue…
Le retour à la civilisation veut aussi dire le retour du réseau…
En seulement 2 nuits sans pouvoir recevoir aucune nouvelle du monde extérieur, la situation mondiale s'est vraiment détériorée. L’Italie est en confinement total et l’OMS considère maintenant l'épidémie de coronavirus comme une pandémie mondiale…

Les groupes de voyageurs résument bien les informations : dorénavant, les italiens ne peuvent plus circuler comme ils le souhaitent dans le monde.
Il apparaît plus que plausible à mes voyageurs que la France suivra vite le chemin de l’Italie et de l’Espagne…

Ensemble, ils prennent la décision de quitter le Laos, et d’aller en Thaïlande qui offre aux français un visa de deux mois, avant que les frontières se ferment. Mais avant cela, Delphine achète un dernier souvenir laotien.

Wong s’est occupé de réserver leur trajet jusqu’à la frontière. Je peux compter une bonne trentaine d’humains dans le minivan qui peut en accueillir une vingtaine !
Mon maître, Julie, Marie, Lucie et Arthur sont sur des tabourets au milieu de l’allée.
Seule Delphine a la chance d’avoir un siège.

En chemin pour Houei Sai, ville frontière vers la Thaïlande, le van s’arrête sur un parking poussiéreux où attend un homme en blouse blanche sous une tente. Tous les passagers doivent descendre et se faire prendre la température par cet homme de l’OMS, qui note dans un registre les numéros de passeport et nationalité des occidentaux.
J’ai senti le cœur des mes maîtres s’accéléré, la tension est montée !
L’arrêt n’a duré que quelques minutes, l’engin est repartit aussitôt.

Il fût très facile de quitter le Laos et de rentrer en Thaïlande.
Le dernier coup de stress a été face aux caméras thermiques juste avant de recevoir le tampon du visa.

Les agents ont posé aux voyageurs deux questions : Etes-vous chinois ? Etes-vous italiens ? En cas d’affirmative, il aurait été impossible de rentrer en Thaïlande…
Ces interrogations ont conforté les amis dans leur envie de vite quitter le Laos.

Ils n’ont pas pu s’empêcher de penser que dans vraisemblablement quelques jours, l’immigration rajoutera cette question : Etes-vous français ?...

Point situation Coronavirus :

L’Italie est en confinement total.
Le Conseil scientifique Covid-19 est créé.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) considère l'épidémie de coronavirus comme une pandémie mondiale.
Les visites sont interdites en EHPAD. Les crèches, écoles, collèges, lycées et universités sont fermés.
A Lyon, le match OL-Juventus est maintenu.
Contre l’avis du Conseil scientifique et de toute raison, le gouvernement demande aux français d’aller voter pour le 1^ertour des municipales…
Les inquiétudes économiques occasionnent un krach boursier mondial la deuxième semaine de mars. La Bourse de Paris s'écroule et connaît ses pires séances, surpassant la crise des subprimes de 2008.



Bisous Laotiens

Le Castor du 92

P.S 1 : plus de photos dans l'album du Laos - Luang Namtha

P.S 2 : voici une carte de notre itinéraire et de nos bonnes adresses